Aspects et vues

La Topologie du Système Entreprise, le cadre de référence proposé par Praxeme, identifie des aspects. Cette notion a souvent soulevé des questions ou a été confondue avec celle de vue. Le terme “vue” est le plus utilisé dans la littérature méthodologique des deux dernières décennies. Ce billet précise les deux notions et justifie le maintien du terme “aspect” aux fondements de la méthodologie d’entreprise.

Vue

Sources : « vue » et « point de vue » dans IEEE Std 1471-2000. Cigref et Club Urba.
Une vue suppose un acteur qui regarde. Elle donne accès à une partie de la réalité observée, à partir du point de vue de cet acteur. Elle exprime donc la subjectivité : la situation du sujet face au réel. Son avantage réside dans la communication puisque, justement, elle s’établit par rapport aux besoins et au langage d’un certain type d’acteur.

Niveau

La méthodologie, notamment avec Merise, a longtemps parlé en termes de niveaux d’abstraction ou niveaux de préoccupation. Ces niveaux étaient clairement distincts des vues, lesquelles étaient également définies, à la même époque et dans les mêmes méthodes. Alors, les niveaux étaient donnés comme plus fondamentaux, plus essentiels que les vues. Ces méthodes définissaient d’abord les niveaux comme exprimant la structuration interne du système. Les vues étaient ainsi définies secondairement dans leur rapport aux acteurs et pour des besoins de communication. Par exemple, Merise distinguait les « vues externes » du modèle de données : celui-ci donne la structure de données complète et normalisée, tandis que celles-là en présentent un extrait, éventuellement dénormalisé, pour un certain usage.
Le terme « niveau », néanmoins, était malheureux dans la mesure où il infère une certaine idée de hiérarchie donc de valeur.

Aspect

Il est évident, en tout cas, que nous avons besoin de deux notions. Quand nous regardons un cube, par exemple, nous n’en voyons jamais toutes les faces. Nous pouvons nous en former plusieurs représentations, en prendre plusieurs vues et il nous faudra tourner autour de l’objet pour en percevoir toutes les faces.
Quand nous cherchons à nous représenter complètement le cube et à articuler les vues, il est bon de savoir que cet objet possède six faces, même si cette idée ne nous est pas donnée par l’expérience mais par l’entendement. La géométrie vient avant le dessin.
Le cadre de référence au fondement de Praxeme vise l’organisation interne du Système Entreprise, indépendamment de qui l’observe. C’est un préalable pour maîtriser la masse des connaissances, des informations et des décisions qui portent sur cet objet complexe. Nous cherchons à en dégager la logique interne, en préalable à tout développement méthodologique et bien avant de traiter les questions impliquant les acteurs : responsabilité, organisation de la transformation, communication, etc. Ce faisant, Praxeme s’inscrit dans la filiation de Merise par opposition aux méthodes anglo-saxonnes qui, au fil des décennies, n’ont retenu que la notion de vue et se sont focalisées sur la communication au détriment de la logique interne du système.
Pour qualifier ces domaines structurant la réalité de l’entreprise, indépendamment de l’observateur, Praxeme a retenu le terme « aspect ».

Illustration de la différence entre aspect et vue

Cette distinction, essentielle pour la théorie de la connaissance, se révèle dans l’usage des deux termes et dans les qualificatifs qui les accompagnent. Nous l’illustrons, dans ce paragraphe, à propos de l’aspect intentionnel tel qu’il est défini dans la Topologie du Système Entreprise. Cet aspect, le premier dans l’ordre des déterminations, rassemble toutes les expressions de la volonté de l’entreprise : ses valeurs, ses objectifs, les exigences, les indicateurs (souvent intimement associés aux objectifs), son vocabulaire.
Praxeme n’impose pas de structuration de cet aspect. La méthode se contente de distinguer les types d’éléments d’intention, laissant la possibilité de structurer cet aspect comme on l’entend. Il y a donc une décision d’architecture à prendre aussi pour l’aspect intentionnel :

  • soit on le structure par les sources (les émetteurs ou les documents d’origine qui comportent souvent des éléments de plusieurs natures),
  • soit on opte pour un critère propre, avec une notion de domaine comme pour n’importe quel autre aspect.

Ainsi, l’aspect intentionnel possède sa propre structure et obéit à ses propres lois qui ne reflètent pas nécessairement les usages. Dès lors, il devient intéressant de définir des vues qui faciliteront la communication avec des acteurs de profils précis, par exemple :

  • une vue éthique, centrée sur les valeurs de l’entreprise et comportant également leurs impacts sur les autres aspects du Système Entreprise ;
  • une vue métrologique, composée des indicateurs, de leurs liens avec les objectifs de transformation et, aussi, de leur projection vers les concepts métier, les activités ou tout autre type d’élément dans les autres aspects ;
  • une vue terminologique, exprimée par le thesaurus de l’entreprise et montrant, outre les termes, les liens de traçabilité qui les relient à d’autres éléments.

Ces sous-produits que sont les vues répondent à des besoins de communication et de manipulation ; elles sont donc associées à des utilisations. La méthode doit satisfaire ces besoins sans altérer la logique de structuration interne du Système Entreprise. C’est ce qu’elle obtient en distinguant les deux notions d’aspect et de vue.

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