« Emploi des Fifties » : comment la façon de poser un problème révèle que l’on ne veut pas lui trouver de solution

Ces jours-ci circule une invitation pour une conférence intitulée « Emploi des Fifties ». Je m’empare de cet exemple pour essayer de démonter un phénomène qui me préoccupe de plus en plus, car il semble bloquer toute perspective d’action sincère. Il s’agit uniquement d’une illustration d’un phénomène bien plus large, mais elle parlera à quelques-uns d’entre nous.

Tout d’abord, « Fifties » !

Le mot « quinquagénaire » n’existe-t-il pas en français ? Certes, il est plus long, et il fait plus vieux encore que « fifty ». Je ne m’attarde pas sur cette coquetterie, et suis prêt à admettre la nécessité de la manipulation rhétorique, quand il s’agit d’attirer l’attention. Je crois même m’être rendu coupable, au cours de ma carrière, de telles forfaitures.

Les quinquagénaires, donc, et pas les soixantenaires ?

C’est bien compris : ces derniers sont irrémédiablement exclus de la considération publique. Aucun espoir n’est laissé, dans leur cas. L’avenir des soixantenaires sur le marché du travail est autant d’actualité que le programme lunaire de la Russie. Mais alors, on se demande pourquoi il leur faudrait partir plus tard en retraite, si les entreprises ne veulent plus d’eux !

Derrière les individus, intéressons-nous aux savoirs et compétences dont ils sont dépositaires.

Cette question, déplacée sur le temps long, compte parmi les facteurs qui caractérisent une culture. Entre notre situation contemporaine et la situation traditionnelle dans laquelle le vieux se confond avec le sage, et reçoit respect et autorité en conséquence, une inversion s’est produite. Le vieux paysan gagnait en connaissances sur son environnement ce qu’il perdait en capacité physique. Chacun le reconnaissait, et il trouvait ainsi sa place naturelle dans la collectivité, une place éminente. À l’ère industrielle, le mineur de fond vieillit vite, se fatigue et dépérit, sans que son temps de souffrance et d’exploitation lui ait acquis un surplus de valeur et de connaissances. La situation de l’OS n’est pas meilleure, en tout cas sur les plans symbolique et psychologique (elle l’est sur le plan physiologique). Poussons plus loin : examinons deux métiers proches de nous, le programmeur et le consultant. Pour aller vite, vous m’autoriserez à verser dans la caricature : un programmeur âgé est quelqu’un qui a raté sa carrière. Pire, il maîtrise sans doute des langages de programmation et des techniques considérés aujourd’hui comme surannés. La néolâtrie ambiante est telle qu’au lieu de considérer avec admiration un langage comme COBOL pour sa persistance sur le marché – signe d’une réelle efficacité –, sa simple mention suscite un sourire complaisant sur les visages lisses – sans ride ni cerne. Un programmeur de cinquante ans est considéré, le plus souvent, comme quelqu’un qui n’a pas pu ou voulu évoluer. À cinquante ans, on se doit – dans le domaine de l’informatique, du moins – d’assumer des responsabilités managériales.

Cette injonction se retrouve dans le milieu du « conseil » (j’ai beaucoup hésité avant d’utiliser ce terme, d’où les guillemets). Quand j’ai commencé ma carrière – je ne vous dis pas quand –, le terme « consultant » évoquait un intervenant d’un certain âge, porteur d’un savoir spécialisé et approfondi, souvent ayant un pied dans le monde de l’enseignement et de la recherche, sa vocation résidant dans le transfert et l’application de savoirs spécifiques vers le milieu de l’entreprise. Il était entouré de juniors, pas seulement pour les basses œuvres : le mode d’action assurait la transmission des savoirs, comme dans toutes les professions intellectuelles depuis que l’humanité entretient des intellectuels (architectes, avocats, médecins, artistes…). Aujourd’hui, le terme « consultant » désigne une réalité fort différente : on est consultant en sortant des écoles (les « bonnes » écoles). Il est devenu rare de voir « sur le terrain » des consultants de quarante ans ou plus. Dans les cabinets de conseil, à cet âge-là, on est supposé avoir atteint le grade de manageur, partenaire, associé… Si ce n’est pas le cas et que le consultant vieillissant s’accroche à son expertise ou ne montre pas un appétit démesuré pour le management, il ne lui reste qu’à partir. Bien sûr, on évoquera l’argument économique : pourquoi payer plus cher un consultant âgé quand un plus jeune fera l’affaire ? Mais il y a sans doute aussi des motivations symboliques derrière cette exclusion, sans compter un évident glissement sémantique et le changement de contenu. Ce thème mériterait plus ample analyse, mais je limite mon propos.

Ainsi, rien qu’en France, 100.000 cadres de plus de cinquante ans sont inscrits au chômage

(cf. la page jointe à cet article). Parmi ceux-là, ne manquent pas les détenteurs du sésame envié qu’accordent nos plus grandes écoles. Ont-ils démérité ? Ont-ils commis des erreurs qui justifient leur sort ? La plupart du temps, ils subissent l’avanie à l’issue de grands mouvements stratégiques, fusions et acquisitions, changements d’orientation… auxquels ils ne peuvent rien. Les plus menacés sont ceux qui officient dans le management intermédiaire. Encore ces chiffres ne révèlent-ils pas toute l’étendue du problème. Il faut ajouter le nombre des « indépendants » dont la situation confine à l’entreprécariat. Plus leur expertise est pointue et originale, plus elle est difficile à vendre. Une statistique indique que, sur les trois millions d’indépendants que compte la France, la moyenne du salaire mensuel se situe à la moitié du SMIC. Salariés de tous les pays, restez planqués !

S’il y a un problème des seniors dans les organisations, ce ne peut être qu’une conséquence de la dévalorisation de l’expérience.

Je vais prendre deux exemples.

  • Le premier qui me vient à l’esprit est celui d’un spécialiste métier qui, aboutissement d’une carrière émérite, s’était retrouvé dans l’équipe « IT Strategy » d’un grand groupe international (ou un autre titre ronflant). Bien qu’il fût le seul, dans cette équipe centrale, à connaître réellement le « métier », l’intérêt perçu pour ce savoir n’était pas tel qu’il compensât, aux yeux de sa direction, ses limitations dans la langue anglaise – bien évidemment la langue de travail dans un groupe international. La solution était toute trouvée : le départ en préretraite, ce qu’il accepta avec grand bonheur. Pourtant, quand l’occasion s’en présentait, il était toujours capable de s’enthousiasmer pour des réflexions et des innovations sur le cœur de métier et ce que l’on pouvait en tirer. Mon point est le suivant : cette capacité qui, si elle avait été bien utilisée, aurait porté des fruits glorieux, sa hiérarchie n’en avait cure. Après tout, à quoi bon entrer dans les détails fatigants de la connaissance, quand tout se résume à une jolie présentation pour décideurs – si possible, pas trop volumineuse !
  • Mon autre exemple est plus large. Pris dans le domaine informatique (pardon : « numérique » ; mieux : « digital »), il concerne les disciplines qui, à une époque, étaient reconnues comme des métiers à part entière et qui ont simplement disparu du paysage : « concepteur informatique », « modélisateur », « architecte logique », à quoi il faudrait ajouter des métiers comme « concepteur de processus », « concepteur d’organisation », et sans doute beaucoup d’autres. Les techniques pointues de planification et de gestion de projets (PERT, Gantt…) semblent également se raréfier. Ici, nous sommes confrontés à un autre phénomène : la régression, voire la disparition des pratiques rigoureuses. Il serait facile d’en fournir quelques preuves (peut-être une autre fois).

Le vrai sujet est donc la dévalorisation de l’expérience.

Pourtant, que nous propose-t-on ?

e renvoie à l’agenda de la conférence. On y trouve : « Les enjeux de la formation : comment les garder au top ? ». Deux réactions :

  • D’abord, ne perçoit-on pas ce que cette formulation a d’humiliant pour la population concernée ? Tout le contraire du respect dû à l’expérience. La négation même de la compétence accumulée. Celle-ci serait donc obsolète, d’emblée et sans discussion possible. « Âgé» signifie « inadapté », mon pauvre ! On va vous soigner. Ce préjugé biaise largement l’approche « RH ». Il renvoie à toute une mythologie aimantée par la notion de progrès et renforcée par les phantasmes de la modernité techniciste.
  • Ensuite, de quelle formation s’agit-il ? Là aussi, nous disposons de chiffres, la nation s’étant dotée d’un observatoire de la formation. Ces chiffres révèlent un net progrès des formations de type « soft skills » (pour le coup, je préfère ne pas traduire). Il serait urgent d’analyser les facteurs qui alimentent cette dérive. Je ne dis pas que la formation soit inutile. Elle compte, bien sûr, parmi les dispositions à envisager pour aider nos quinquagénaires comme tous les chercheurs d’emploi et toutes les personnes en souffrance dans leur situation professionnelle (ce qui fait du monde !). Mais méfions-nous des solutions simplistes qui ont souvent pour unique vertu de dédouaner les responsables. 

En conclusion, je me suis attardé, dans ce billet, sur le cas des seniors, rebuts du marché du travail, pour illustrer un phénomène bien plus large, que je vois à l’œuvre partout, dans l’entreprise, dans la société et sur la scène internationale : on nomme les problèmes plutôt qu’on ne les pose ; surtout, on s’épargne l’effort de l’analyse, pour se précipiter sur des mesures superficielles, voire incantatoires. Tandis que la maison brûle…

https://www.lopinion.fr/evenements/emploi-des-fifties

Du modèle sémantique à la base de données orientée graphes

Je vous soumets quelques réflexions à propos des nouvelles tendances dans les bases de données. N’étant pas un spécialiste du sujet, j’ai pu commettre des erreurs ou des naïvetés. N’hésitez pas à me corriger.

Ce qui caractérise le “NoSQL”

Les SGBD orientés graphes se rangent dans la catégorie des SGBD NoSQL. À bien y regarder, cette appellation « NoSQL » n’est pas ce qui caractérise le mieux les nouvelles solutions de persistance (orientées graphes comme Neo4j ou orientées documents comme MongoDB). En effet, ces solutions proposent forcément un langage de requête qui joue le rôle de SQL (Cypher pour Neo4j). Le vrai discriminant n’est pas là mais dans l’absence de schéma a priori (autant dire : l’absence de DDL, Data Definition Language). Il est possible, à tout moment, c’est-à-dire après la création de la base et sa mise en service, d’ajouter de nouveaux types d’objets – sous forme de « labels » associés aux nœuds – ainsi que de nouvelles propriétés, associées ou pas aux labels. Une propriété pourrait même n’exister que sur un seul nœud. De même, il est possible de créer de nouvelles relations entre les nœuds, au fil de l’exploitation. On peut associer impérativement des propriétés à des labels ou à des relations, par le truchement de « contraintes ». Tout ceci s’obtient en l’absence de modèle ou de schéma de la base de données, et ne nécessite aucune opération d’administration.

Ce que cela entraîne

De prime abord, cette liberté semble un avantage fabuleux. Elle s’accorde parfaitement avec certaines applications manipulant les données de façon assez lâche, typiquement pour l’analyse. Dans les cas où on recourt à ces solutions pour des applications plus classiques, cette liberté confine à l’anarchie, porteuse de risques (mes excuses auprès des libertariens qui pourraient lire ceci). Il est toujours nécessaire de vérifier la pertinence des propriétés relatives aux types d’objets, d’une part, et l’applicabilité des relations selon le type des objets qu’elles relient. Également, on aimerait retrouver un mécanisme similaire à l’héritage dans l’orientation objets afin d’assurer qu’un objet appartenant à un sous-type (exemple : Individu) dispose des propriétés définies sur le type plus général (exemple : Entité). D’autres contrôles encore sont nécessaires, comme le contrôle des cardinalités : à combien d’objets, un certain objet peut être relié via une relation donnée. On sait que, dans un modèle sémantique, changer la cardinalité d’une association affecte la définition même de l’objet relié. Il s’agit donc d’un élément de la plus haute importance pour la compréhension des informations.

Ces réflexions nous ramènent toujours au même point : comment traduire, en termes logiciels, la connaissance humaine ? Exprimé dans le contexte de la méthode Praxeme : comment dériver le modèle sémantique vers une base de données, sans perdre ni substance ni structure ?

Le tableau suivant met en regard les termes de la modélisation sémantique et ceux des solutions dans le style relationnel et dans l’orientation graphes.

Catégorie sémantiqueInterprétation naturelleTerminologie du style relationnelTerminologie du style orienté graphes
Classe (en tant que représentation d’un concept ou d’un ensemble d’objets)Type d’objet, conceptTableLabel (éventuellement)
Propriété informative (le plus souvent : attribut)Type d’information propre au type d’objetColonne (d’une table)Propriété (définie sur les nœuds)
Association entre classesType de relation qu’entretiennent des objets selon leurs typesClef étrangère (colonne particulière d’une table)Relation (en tant que nom de relation, défini au niveau des instances)
Instance de classeObjet (concret, précis, particulier)Ligne dans une tableNœud
Lien, instance d’une associationRelation établie entre des objetsValeur d’une clef étrangère, sur une ligneRelation entre deux nœuds
Valeur d’une propriété (d’un attribut)Information, valeur attribuée à une propriété d’un objetValeur d’une cellule (une colonne dans une ligne)Valeur d’une propriété
La traduction des éléments sémantiques selon le style de SGBD

Ce tableau ne s’intéresse qu’à la partie informative de la sémantique, la partie correspondant aux données. Il laisse de côté d’autres propriétés essentielles de la sémantique : propriétés actives (opérations) et transformatives (automates à états, événements, règles). La raison de cette exclusion réside tout simplement dans le fait que les SGBD examinés ici ne couvrent pas ces dimensions, exception faite de la notion de procédure cataloguée[1].

Les trois premières lignes de ce tableau révèlent le décalage apporté par l’orientation graphes.

Même la notion de « label » (ou étiquette) mise en correspondance avec la classe ne se crée pas pour elle-même, mais toujours à travers la documentation d’un nœud particulier, donc au niveau de l’instance et non du type. De plus, on ne peut pas assortir les étiquettes avec des propriétés, alors que la notion de propriété est fortement impliquée dans celle de classe (la propriété est ce qui est propre – caractéristique – à une classe ; celle-ci devrait en être la seule propriétaire, en tout cas si le modèle est bien formé). Ce décalage vaut aussi pour les relations : elles peuvent être dotées de propriétés, quand elles équivalent à des classes associatives, mais ces propriétés apparaissent au niveau des instances et non à celui des types. Ces différences se résument à un seul trait : l’absence de modèle de données.

Les besoins de compensation

Ce vide peut se combler partiellement à l’aide des « contraintes ». Les contraintes d’unicité et d’existence permettent d’imposer certaines règles lors de la création des nœuds et des relations. Elles sont loin de suffire pour approcher le niveau de contrôle obtenu par un bête modèle logique de données.

Lors du passage d’une culture SQL à l’orientation graphes, cette différence radicale a de quoi déstabiliser. L’imprécision du vocabulaire augmente le malaise. Le terme « relation » nomme indifféremment l’association – entre classes – et le lien – entre instances. Une telle imprécision s’explique par la disparition du niveau « modèle »[2].

Les SGBD orientés graphes autorisent les relations réflexives, mais restreignent la notion de relation aux relations binaires. Là encore, quand on connaît l’importance des associations n-aires pour arriver à la bonne expression des concepts, on se sent un peu démuni.

Le bilan rapide est que ces solutions ne restituent facilement que des phrases simples, sur la structure « sujet-verbe-complément d’objet ». Illustration : « X réside à Adresse » où « X » et « Adresse » sont des nœuds, et « réside à » est une relation. Dès que l’on souhaite s’approcher un peu plus de la réalité pour parler, par exemple, de l’adresse de résidence, l’adresse de livraison, l’adresse de facturation, l’adresse fiscale… on introduit un troisième terme, l’usage de l’adresse, et les choses se compliquent. Bien sûr, il y a toujours moyen de s’en sortir. Dans l’exemple, on peut ajouter une propriété sur la relation « réside » ou même faire de la résidence un nœud… Je n’entrerai pas dans plus de détails, ici.

Mon but, dans ce rapide papier, est de montrer ce qui oppose l’organisation tabulaire des informations telle que l’on s’y est habitué avec les SGBD relationnels, et l’organisation réticulaire présentée par les SGBD orientés graphes. Le point le plus remarquable est l’absence de schéma, au sens de modèle de données, établi a priori.

Le tableau suivant distribue les notions sur l’axe M0-M3 défini par l’OMG.

NiveauSémantiqueRelationnel (SQL)Orienté graphes
M0Objets, instances : Mme XX, M. XYLignesNœuds et relations
M1Classes : Individu, AdresseTablesLabels sur les nœuds (éventuellement ; pas obligatoire)
M2Méta-classe « Classe » et sa structure (catégories d’expression)Le modèle interne du SGBDIdem. Les notions de nœud, relation, etc.
M3Meta Object Facility pour établir les correspondances entre langages  
Les réponses des SGBD sur les plans de représentation

Comment rétablir le contrôle malgré l’absence de schéma de base de données

Malgré cette limite, de nombreux bénéfices militent en faveur de l’adoption de ces solutions, en tout cas pour les usages dans lesquels la notion de relation revêt une importance cruciale. Même dans ces cas, le besoin de contrôler la pertinence reste entier. Puisqu’il n’est pas pris en charge par le SGBD, trop ouvert, il revient au programme. À cette fin, l’idée est d’inclure dans la base, mélangé avec les informations courantes, un graphe isolé qui fait office de schéma de la base et qui reprend le modèle logique de données. C’est ce que propose le graphe ci-dessous, extrait d’une base Neo4j. Il s’agit d’une illustration partielle, montrant des nœuds étiquetés « Meta_TypeObjet » et « Meta_TypeRelation » pour définir l’équivalent des classes Individu, Entité, Action… Ces nœuds se relient à des nœuds « Meta_Propriété » pour connaître les propriétés de ces classes et relations. Le tout sera exploité algorithmiquement pour contrôler le contenu des objets (nœuds) produits par l’application ainsi que les relations.

Extrait de la base Sloog développée avec Neo4j : graphe partiel traduisant une partie du modèle logique de données

On peut trouver ce mécanisme un peu lourd et même juger qu’il s’agit d’une régression par rapport à ce que l’on attendait des SGBD traditionnels. C’est le prix à payer pour bénéficier de cet avantage inouï : l’évolutivité de la base. Elle repose sur la capacité, laissée à l’utilisateur, de définir ou d’étendre le modèle, avec ses propres types d’objets et de relations et de nouvelles propriétés. Cette solution est détaillée ailleurs (cf. modèle logique de données orienté graphes pour la méta-application Sloog).

Récapitulatif :

Plan de représentationCatégorieCommentaire
M2 Les étiquettes préfixées « Meta_ »Nécessaires pour constituer le modèle M1
M1Les nœuds portant ces étiquettes + étiquettes pour chaque type d’objet + contraintesGraphe séparé exprimant le modèle des données avec les types d’objets reconnus et les relations admises
M0Nœuds étiquetés avec les types d’objets (M1) + relations À l’exécution, lors de la création ou de la modification d’un nœud, le programme exploite les informations du M1 pour contrôler la validité de l’information : les propriétés nécessaires, les relations admises.
Le principe de la solution pour assurer le contrôle sémantique

Les nœuds utilisés pour reproduire le schéma de la base (niveau M1) portent les étiquettes « Meta_ » du niveau M2. Ces nœuds se relient pour reproduire le modèle de données. Les nœuds étiquetés « Meta_TypeObjet » se doublent par des étiquettes qui reprennent le nom des concepts ou types d’objets. Elles servent à marquer les nœuds du niveau M0.


[1] Sans vouloir nous faire du mal, rappelons qu’un SGBD orienté objets est capable de couvrir tout cela, donc de reprendre presque intégralement le contenu exprimé par un modèle sémantique. On se souvient de l’excellent SGBD O2, issu d’un projet de l’INRIA et qui, malgré ses qualités, n’a pas trouvé son marché.

[2] On connaît les difficultés, sur les projets, quand on se confronte à ce type de problème. Dans de nombreux domaines, les systèmes doivent gérer des notions qui s’échelonnent sur plusieurs niveaux. L’esprit doit donc distinguer, avec agilité, ces niveaux. Une illustration est : la voiture particulière, physique, avec sa plaque d’immatriculation ; le modèle de voiture ; le produit « voiture ».

Construire un tableau de bord pertinent

Ci-contre : détermination des fonctions métrologiques

Nous connaissons l’importance des tableaux de bord pour assurer le pilotage intelligent des organisations. L’expérience et la littérature nous ont aussi sensibilisés aux limites et aux effets pervers de tableaux de bord réducteurs, biaisés, voire tronqués.

Comment donc échapper au réductionnisme quand nous élaborons cette image quantifiée de l’activité ?

Nous devons commençons, bien sûr, par respecter la complexité de l’entreprise en prenant en charge la réalité dans toute sa richesse. Le modèle métrologique de l’entreprise répond à cette exigence (voir l’introduction « Les procédé métrologiques »). 

Cependant, un modèle métrologique n’est jamais achevé, et son contenu prolifique rend difficile son exploitation par les acteurs concernés. Ceux-ci, nous les nommerons « décisionnaires », par opposition à « décideurs » :

Est reconnu comme décisionnaire tout acteur de l’entreprise, quel que soit son niveau dans la hiérarchie, dès lors qu’il est susceptible de prendre une décision pour ajuster son action. 

Il n’est pas question de présenter à tous les décisionnaires la totalité du modèle métrologique. Ils s’épuiseraient à l’analyser. La solution consiste à :

  • partir de leurs besoins,
  • puis à sélectionner les métriques qui permettent d’éclairer l’action et de répondre aux préoccupations.

Puisque, dans cet exercice, le concepteur s’appuie sur le modèle métrologique, il exhume naturellement les relations entre les métriques. Ceci le conduit à étoffer le tableau de bord, plus qu’il ne l’aurait fait à travers une approche classique. Ces relations joueront un rôle considérable dans l’interprétation des mesures recueillies. Elles véhiculent la signification sur laquelle se fonde l’intelligence de l’action. Elles permettront, notamment, de formuler des hypothèses de corrélation et de les évaluer.

Inspirée par les possibilités techniques, la conception des tableaux de bord fait grand cas des choix de représentation. Elle arrête non seulement la forme que prend chaque information, mais aussi la disposition d’ensemble et les comportements dynamiques de l’interface présentée.

Il reste néanmoins un écueil : malgré toutes les précautions que nous pouvons prendre, il serait illusoire et dangereux de croire qu’un tableau de bord puisse être parfait et définitif. C’est pourquoi notre procédé ménage une étape essentielle :

« préciser les conditions aux limites ».

Dans cette étape, sans doute la plus délicate, le concepteur du tableau de bord envisage les configurations de valeurs et les signaux qui devraient alerter le décisionnaire. Un tableau de bord n’est jamais qu’une fenêtre étroite que nous ouvrons sur le réel. Quand la situation change radicalement, nous devons élargir le regard et considérer un paysage plus vaste. Connaître les limites d’un tableau de bord aura donc un effet salutaire. 

Le procédé complet est décrit dans le document PxPCD-13e, intitulé « Construire un tableau de bord ».

Cette nouvelle contribution du cabinet CONIX poursuit l’élaboration de la méthode publique Praxeme.

Voir : catalogue de la méthode Praxeme.

Le mode opératoire proposé pour le procédé “Construire un tableau de bord” (extrait de PxPCD-13e, sous licence Creative Commons By Sa)

Modéliser la performance de l’entreprise

Si nous parlons d’indicateurs de performance ou KPI, c’est qu’il existe aussi des indicateurs d’autres choses ! Partant de cette remarque, la métrologie d’entreprise identifie trois champs d’analyse, introduits dans le document PxPCD-13.

Dans le cadre de l’initiative pour une méthode publique, la priorité a été donnée au champ dit « du fonctionnement », parce qu’il correspond à la perception la plus répandue. La méthode publique Praxeme s’enrichit d’un nouveau procédé, issu d’une contribution du cabinet CONIX. Il s’intitule « Modéliser la performance » et a pour but de : 

Concevoir les métriques qui permettent de suivre le fonctionnement de l’entreprise.

Évidemment, il ne suffit pas à une entreprise de s’évaluer comme performante, dans des termes qui reflètent avant tout sa vision interne. Si elle reste aveugle à ce qui se passe dans son environnement ou si elle s’épuise à cause d’une construction sous-optimale, sa performance se dégradera bientôt et sa survie sera mise en cause. C’est pourquoi la métrologie aborde deux autres champs d’analyse : l’environnement et le développement.

La grande question est : 

Comment trouver les métriques ?

Il n’est pas possible de se contenter d’une poignée d’indicateurs. Il ne serait pas tenable de dire, d’un côté, que l’entreprise est un système complexe, et de prétendre, de l’autre, la piloter avec une dizaine d’indicateurs. Ici intervient la notion de modèle métrologique, comme ensemble organisé de métriques dont le but est de décortiquer le mécanisme de la performance.

La majorité des pratiques, dans ce domaine, prend les objectifs de l’entreprise comme point de départ pour trouver les métriques. Cette heuristique est tout à fait légitime, les objectifs formulant des préoccupations dans la conduite de l’activité. Elle souffre, cependant, de plusieurs défauts :

  • Tout d’abord, les objectifs sont des formulations contingentes, liées à la perception du moment.
  • Ensuite, ils introduisent des biais dans l’analyse de l’activité, en surreprésentant le point de vue du management par rapport à l’opérationnel et en mettant en place une dépendance par rapport à une stratégie.
  • Enfin, ils laissent dans l’ombre de nombreux phénomènes qui forment la réalité de l’entreprise.

Il est donc nécessaire de compléter cette approche. Le procédé « Modéliser la performance » propose plusieurs heuristiques et encourage le concepteur à exploiter différents modèles de l’entreprise. De nombreuses métriques découlent mécaniquement des modèles de processus et des modèles des objets métier.

Une autre recommandation consiste à associer des partitions ou axes d’analyse à des métriques « conceptuelles ». Par exemple, plutôt que de définir autant de métriques qu’il y a de façons de décomposer le chiffre d’affaires, on ne retiendra que la notion générale de chiffre d’affaires que l’on assortira de plusieurs partitions : territoire géographique, organisation, segment de clientèle, typologie de l’offre, etc. De cette manière, on réduit le volume du modèle métrologique tout en préservant sa richesse. De plus, en procédant ainsi, le modèle est plus souple et pourra absorber plus facilement les évolutions.

Si nous parlons de modèle métrologique, c’est que nous ne nous limitons pas à lister les métriques : nous les organisons en les reliant et en documentant leurs relations. Le modèle pose entre les métriques plusieurs types de relations :

  • relations de construction, exprimées par des formules arithmétiques et permettant de définir des métriques composites jusqu’aux indicateurs synthétiques ;
  • relations de corrélation, correspondant à des déterminations entre phénomènes ou à des hypothèses sur l’influence des facteurs ;
  • également, relations de traçabilité pour conserver l’origine des métriques (d’où ont-elles été déduites ?) et relations de projection (comment se traduisent-elles formellement ?).

Ce dernier point, la « projection », revêt une signification technique précise dans le cadre de l’approche complète. Il est détaillé dans le procédé « Mettre en place le mesurage ».

Insérer la conception des indicateurs dans le cadre plus large de Praxeme, c’est-à-dire l’intégrer dans une approche holistique de l’entreprise, entraîne plusieurs retombées positives :

  1. Il devient plus facile de trouver les métriques, et en nombre suffisant pour appréhender la réalité et éviter les distorsions.
  2. La généralisation des mesures met en place des garde-fous contre les nombreux biais – cognitifs et organisationnels – qui altèrent la perception.
  3. La conception des métriques ne reste pas suspendue dans un univers séparé : elle se coordonne avec les autres disciplines de conception, portant sur tous les aspects de l’entreprise.
  4. La technique de la projection et les approches de conception informatique permettent de réduire la fracture entre système décisionnel et système opérationnel (point traité dans le procédé PxPCD-13f).

Comme tous les documents de la méthode Praxeme, le procédé « Modéliser la performance » (PxPCD-13b) est disponible, gratuitement, sur le site du Praxeme Institute : page du catalogue.

Remercions le cabinet CONIX pour cette nouvelle contribution et, particulièrement, Joël Bizingre dont l’expérience en la matière a permis d’enrichir et d’illustrer la rédaction.

Voir annonce de CONIX

Le chantier se poursuit avec la rédaction des procédés “Construire un tableau de bord” et “Définir et documenter une métrique”. Celui-ci factorise les actions communes aux procédés de conception métrologique. Celui-là traite la délicate question de la sélection des métriques pour couvrir les besoins d’un acteur ou d’un type d’acteur. Il fait le point, également, sur l’état de l’art en matière de représentation des indicateurs.

Les soutiens et contributions restent les bienvenus afin de prolonger l’initiative pour une méthode publique.

Le vocabulaire de la méthodologie

Un des apports d’une méthode publique est de fixer la terminologie, dans son champ d’application. Ce vocabulaire de référence épargne aux praticiens, à l’intérieur des entreprises, la peine et le temps nécessaires pour arriver à se comprendre.

Le vocabulaire de la méthode Praxeme était publié, depuis longtemps, sur le wiki du Praxeme Institute. Il a récemment été migré sur le site officiel, sous une forme plus moderne et plus navigable.

Cette migration a fourni l’occasion d’une revue de certaines définitions et d’un enrichissement. Notamment, ont été ajoutées les entrées :

  • issues des récents travaux sur la métrologie d’entreprise et la conception des indicateurs ;
  • tirées des guides sur l’aspect logique ;
  • présentant les rubriques de l’Organum.

Le lien : Thesaurus de Praxeme.

Les étiquettes qui organisent les termes du Thesaurus de Praxeme

Conférence sur la métrologie d’entreprise

Le Symposium annuel du Praxeme Institute est un rituel auquel nous ne dérogeons pas, sauf circonstances exceptionnelles. Habituellement tenu en décembre, il a dû être repoussé à cause des troubles de la fin 2019.

Il s’est donc tenu le 10 mars 2020, juste à temps avant les mesures de confinement !

Joël Bizingre et Dominique Vauquier
Joël Bizingre et Dominique Vauquier, le 10 mars 2020 (photo par Clément Béni)

Accueilli à l’espace de co-working de BPI France, il a été l’occasion :

  1. d’un témoignage sur l’intérêt de contribuer à l’initiative pour une méthode publique, par Joël Bizingre de CONIX ;
  2. d’une entrée en matière sur le thème des indicateurs, autour d’un exemple pris au hasard : le taux de létalité du coronavirus ;
  3. d’une introduction à la métrologie d’entreprise, sur la base du document publié l’année dernière (contribution de CONIX)
  4. d’un point sur l’activité et les travaux autour de la méthode publique.

Les matériaux (vidéos et supports de conférence) sont accessibles à partir de la page : http://www.praxeme.org/symposium2019doc/

Nous espérons maintenant une opportunité pour appliquer les procédés métrologiques et aider les organisations à concevoir leurs indicateurs dans les trois champs d’analyse :

  • le fonctionnement (indicateurs de performance, KPI) ;
  • le développement (indicateurs de la qualité du Système Entreprise et de sa construction : organisation, processus, capital humain, SI, systèmes techniques et logistiques…) ;
  • l’environnement (mesure des risques et des incertitudes dans l’environnement de l’entreprise : marché, public, législation, concurrence, écosystème, etc.).

Les procédés identifiés apportent les retombées suivantes :

  • établir de vrais modèles métrologiques, au delà des tableaux de bord, pour mieux informer la prise de décision (nous sommes en train de vivre, collectivement, une dramatique illustration de ce point) ;
  • réduire la fracture entre système opérationnel et système décisionnel, notamment dans les solutions informatique.

L’approche Processus, un potentiel négligé

La culture “processus” a largement diffusé sur le marché, tous secteurs d’activité confondus. Hélas, l’idée originelle semble oubliée : la promesse faite aux dirigeants résidait dans le remède qu’apportent les processus au cloisonnement organisationnel.

Or, après des décennies de pratiques, que constate-t-on ?

Beaucoup d’efforts ont été consentis – et le sont encore – à décrire des processus. Cependant, à 90%, ces efforts portent sur des processus intra-fonctionnels, voire des activités très réduites. Les “vrais” processus, au sens donné initialement, ont une portée inter-fonctionnelle. Pour que les choses soient claires, on est obligé, aujourd’hui, d’ajouter l’adjectif “transverse”.

En guise de test, demandez-vous :

Combien y a-t-il de processus dans l’entreprise ?

Si la réponse est plusieurs dizaines, voire de l’ordre de la centaine, alors on n’est certainement pas en train de parler des “vrais” processus, à la hauteur des attentes de la direction. Les processus inter-fonctionnels s’identifient à partir des grandes finalités de l’entreprise ; on en trouve une demi-douzaine, environ.

La figure ci-dessous symbolise la notion de processus, dans son acception initiale.

Par Cth027 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=55543545

Certes, il n’est pas inutile de s’intéresser aux activités à l’intérieur d’un domaine fonctionnel (les processus RH, la comptabilité, etc.), mais il convient de rappeler que l’originalité de l’approche par les processus et sa valeur pour la transformation des entreprises résident dans sa capacité à dépasser les cloisonnements organisationnels et à mettre en place la coopération entre acteurs qui ne se rencontrent pas spontanément.

Pour avoir une chance de voir se réaliser la promesse derrière l’approche processus, il est donc impératif de voir les choses dans leur totalité, c’est-à-dire d’adopter une vision d’architecture métier. Or, cette vision manque souvent. Quand une carte des processus existe préalablement au lancement des projets, elle manque souvent de rigueur, elle fait fi des articulations entre processus, elle ne résulte pas d’un questionnement sur la meilleure façon d’organiser les activités. Au lieu de repenser de fond en comble l’organisation des activités, la coopération, la circulation des informations, elle se contente de reproduire l’organigramme et les pratiques en place.

Un autre défaut qui obère les retombées de l’approche par les processus est le manque de rigueur dans la représentation. L’exigence de maîtrise ne peut pas se contenter de descriptions textuelles ou de représentations graphiques intuitives. Elle appelle l’exigence de la modélisation. Sur ce point, la notation standard BPMN apporte un outil redoutablement puissant, qui encourage la conception de processus réalistes et robustes. Encore faut-il la maîtriser et ne pas se contenter d’un usage superficiel.

Business Process Model & Notation

Voir notre offre sur la modélisation des processus.

API, Micro-services : comment élaborer l’architecture optimale

Le vocabulaire technique se renouvelle, pas forcément les principes d’architecture logique qui doivent nous mener à trouver la structure optimale d’un système informatique.

Quelques ressources pour guider vos travaux pour améliorer les systèmes informatiques :

Un investissement est en cours pour rédiger le guide “Approche de l’aspect logique” en version 2 de la méthode Praxeme, ainsi que les procédés de conception logique.

Métrologie d’entreprise : naissance d’une discipline

Les indicateurs de performance et les tableaux de bord se sont répandus dans tous les secteurs d’activité. Pourtant, les critiques formulées dès les années 70 se sont précisées et renforcées (de la dénonciation de la « quantophrénie » par le sociologue Vincent de Gaulejac jusqu’au récent ouvrage « The Tragedy of metrics » de l’historien de l’économie Jerry Z. Muller). Il en va des métriques comme des droits humains : on peut certainement mener une critique de leurs usages, origines, biais… mais cette critique ne doit pas les éliminer ; elle doit plutôt les renforcer, en les refondant, en les protégeant des déviations et en rendant plus rigoureuse leur pratique.

Ce sujet devait, un jour ou l’autre, être abordé dans le cadre de l’initiative pour une méthode publique. C’est chose faite avec la publication du document « Les procédés métrologiques ». Cette nouvelle contribution de CONIX pose les bases de la métrologie d’entreprise, et introduit les procédés métrologiques qui vont de la conception des indicateurs à leur mise en œuvre.

Partons d’une illustration. Nous récapitulerons ensuite les principaux messages qui caractérisent l’apport de Praxeme à cette discipline.

Une illustration

Prenons le tableau de bord d’une voiture. La notion de tableau de bord est ici très concrète. Elle fournit, d’ailleurs, l’origine de la notion de tableau de bord en entreprise, par rapport métaphorique. 

Le tableau de bord d’une voiture affiche, somme toute, peu d’informations : la vitesse, le nombre de tours/minute, le niveau de carburant, un indicateur de feux allumés, un signal de clignotant activé. Il y a des variantes. Par exemple, le tableau de bord peut indiquer la vitesse à passer.

Bien sûr, il n’est pas question d’afficher trop d’informations et de risquer la surcharge mentale ou la distraction du conducteur. Pourtant, bien d’autres mesures et informations décrivent la réalité de la voiture et de la conduite. Certaines, d’ailleurs, se trouvent sur les applications fournies sur smartphone. Par exemple :

  • la limite de vitesse sur la portion de route où l’on se trouve, et le signalement de son éventuel dépassement ;
  • la consommation instantanée de carburant, déterminée par les conditions de vitesse et de pente ;
  • la consommation lissée sur la distance, révélatrice du style de conduite ;
  • cette même consommation rapportée au poids du véhicule (information permanente), à la charge (variable), à la puissance ou au type de moteur, etc.
  • la portion de cette consommation due à des usages annexes, comme le chauffage ou la climatisation ;
  • la distance par rapport aux plus proches véhicules en avant et en arrière ;
  • le nombre de personnes convoyées, à introduire dans l’évaluation économique du trajet ;
  • la production des gaz d’échappement (CO2, particules…).

Si la consommation de carburant n’est pas une information suffisamment percutante pour inspirer une conduite responsable, on peut l’exprimer en montants financiers. Son analyse peut renvoyer à des styles de conduite, à des comportements types. De même, les nuisances sonores produites…

En élargissant à l’intention du déplacement et à la préoccupation environnementale, on pourrait ajouter : 

  • l’état du trafic, 
  • le temps prévu pour le trajet, en distinguant : le temps « utile » du déplacement, les temps d’attente liés aux conditions de circulation, le temps mis à trouver une place de stationnement ;
  • les moyens alternatifs de déplacement et l’évaluation en temps  et en argent des différentes solutions ;
  • le taux d’occupation moyen des véhicules sur le même trajet…

On peut penser encore au signalement des radars ou de la présence policière, mais alors, on rencontre un problème éthique : ces moyens de sécurité routière sont perçus comme des obstacles à déjouer ; leur absence est alors interprétée comme une impunité à contrevenir aux règles communes.

Allons plus loin, encore, dans le but de faire prendre conscience des conséquences à plus long terme des comportements. Ajoutons :

  • le niveau de bruit et sa contribution aux nuisances sonores (bruit du moteur, bruit causé par le roulement, musique, avertisseur) avec les limites prévues par la loi (tapage diurne, tapage nocturne) ;
  • la contribution à la pollution immédiate et à ses effets sur la santé (particulièrement aux abords des écoles) ;
  • la contribution à la pollution à long terme et au réchauffement climatique.

En conclusion de cette illustration :

Une approche métrologique sérieuse identifie de nombreuses métriques.

Rien de ce qui se mesure n’est étranger à la rationalité.

La sélection de métriques pour les exposer à travers un tableau de bord répond à des intentions qu’il convient d’élucider. Elle révèle ou trahit, plus ou moins directement, des présupposés et des valeurs.

La construction des indicateurs peut aider à sensibiliser à des conséquences lointaines. Elle peut devenir un moyen pour lutter contre l’inconséquence.

L’inconséquence est l’ignorance des conséquences de nos actes. Masquée par les déclarations de vertu, elle est le plus grave fléau qui assombrit notre avenir.

La métrologie d’entreprise

La métrologie d’entreprise est la discipline qui perçoit l’entreprise en termes de métriques, et aide à l’analyser en s’appuyant sur les mesures.

Il est essentiel, dès l’abord, de bien marquer la différence entre :

  • cette discipline qui cherche à aborder rationnellement et objectivement l’entreprise ;
  • la formulation des objectifs, aux niveaux collectif ou individuel, laquelle peut éventuellement s’appuyer sur les indicateurs.

Cette deuxième activité ressortit à une autre discipline, que nous pourrions nommer la téléologie d’entreprise, et qui revient au management.

L’essentiel des critiques adressées aux tableaux de bord, loin de condamner la mesure en elle-même, dénonce le détournement opéré au moment de fixer des objectifs. Le premier défaut des tableaux de bord tient à leur étroitesse : en sélectionnant et en mettant en relief quelques indicateurs seulement, on nie la complexité de la réalité, et on conditionne les acteurs à gruger le système. Nous sommes face à un paradoxe : d’un côté, tout le monde s’accorde sur le constat de la complexité ; de l’autre, on prétend se contenter d’une poignée d’indicateurs pour piloter cet objet complexe qu’est l’entreprise.

Certes, il ne sert à rien d’afficher, à chaque instant, toutes les mesures imaginables : le pilote ne pourrait rien en faire ; cela pourrait même représenter un risque. Simplement, nous devons prendre conscience que :

  1. Un tableau de bord, sélection des métriques possibles, se limite à une toute petite fenêtre sur la réalité de l’entreprise et de son environnement.
  2. Il est construit pour un usage précis, par exemple le suivi opérationnel, mais laisse échapper, forcément, de nombreux facteurs.
  3. Il est donc nécessaire de détecter les situations qui rendent le tableau de bord caduc.
  4. À ce moment-là, le pilote doit pouvoir s’extraire de sa routine et, le plus rapidement possible, accéder à une vision plus large et documentée sur la situation.

C’est ainsi que nous devons mettre en place un véritable modèle métrologique, un ensemble structuré de centaines, peut-être de milieu de métriques, susceptible de capturer une part significative du réel. Quand nous prétendons en faire l’économie, nous courrons le risque de manquer les phénomènes.

Les orientations de l’approche métrologique dans Praxeme

Les paragraphes qui suivent résument les positions de la méthode publique quant à la conception des indicateurs et, plus largement, à la métrologie d’entreprise. Le fait d’insérer cette discipline dans l’ensemble plus vaste des disciplines liées à la conception et à la transformation des entreprises représente un atout et augmente les retombées.

La notion de modèle métrologique : nous pensons qu’un tableau de bord de quelques dizaines d’indicateurs est insuffisant pour comprendre le comportement de l’entreprise ; ces tableaux de bord sont nécessaires pour le pilotage courant, mais insuffisants pour comprendre l’entreprise et appréhender sa complexité. Le modèle métrologique est un ensemble structuré de métriques qui ambitionne de rendre compte de la réalité de l’entreprise et de son environnement. Les tableaux de bord en sont des extraits, orientés sur les besoins des décideurs et des responsables. Ceux-ci doivent être conscients des limites d’un tableau de bord, lequel n’est qu’une fenêtre étroite sur la réalité. Dans certaines circonstances, il est nécessaire d’embrasser du regard un paysage plus large. 

Les champs d’analyse : nous entendons toujours parler d’indicateurs de performance ; c’est qu’il y a des indicateurs qui portent sur autre chose que la performance. Praxeme fixe les champs d’analyse : le fonctionnement du Système Entreprise (dont sa performance), le développement de ce système (dont la qualité organisationnelle et architecturale), l’environnement du système (risques et opportunités du marché). Ces trois champs d’analyse appellent des procédés différents pour concevoir les métriques.

Les trois champs d’analyse

Les relations entre les métriques : un modèle métrologique et un tableau de bord diffèrent non seulement par le nombre de métriques rassemblées, mais aussi par les relations que le modèle pose entre les métriques. Ces relations sont de deux types : construction et corrélation. Les relations de construction reposent sur les fonctions arithmétiques et statistiques ; elles rendent compte de l’assemblage des données élémentaires en indicateurs significatifs, plus faciles à interpréter. Les relations de corrélation formulent ou vérifient des hypothèses sur la causalité entre plusieurs facteurs de la réalité. Ces relations se montrent à travers des diagrammes métrologiques, et s’assortissent des formules de calcul.

Les heuristiques : les procédés métrologiques apportent essentiellement des techniques pour trouver les métriques. Le terme « métrique » est préféré, car plus neutre que celui d’indicateur et évoquant une approche systématique. Une question cruciale est celle du point de départ pour trouver les métriques. La méthode en propose plusieurs.

Une approche systématique : les procédés métrologiques permettent de trouver des milliers de métriques et de les assembler en une hiérarchie qui s’élèvent jusqu’à des indicateurs synthétiques associés aux grandes préoccupations de l’entreprise. Imposer un nombre maximum d’indicateurs revient à nier la complexité de l’entreprise et de son environnement. Une telle attitude conduit à prendre des risques inconsidérés. 

Une sélection pragmatique des indicateurs : pour autant, on ne saurait afficher des milliers d’indicateurs que les pilotes devraient consulter quotidiennement. Il est donc nécessaire de leur proposer des tableaux de bord, qui donnent un aperçu du modèle métrologique complet. En contrepartie, la méthode doit préciser les circonstances qui doivent alerter les pilotes quand leurs tableaux se révèlent insuffisants et laissent échapper des signaux importants pour l’avenir de l’entreprise.

La métrologie dans l’architecture de l’entreprise : le modèle métrologique se range dans l’aspect intentionnel dont il constitue une des facettes. La Topologie du Système Entreprise aide à trouver les points de départ pour concevoir les métriques. La méthode propose des règles systématiques. Les métriques s’organisent en « domaines d’attention ». L’acte de « projection », défini pour tous les éléments d’intention, permet de prolonger l’élaboration du modèle métrologique en inscrivant les métriques dans les autres aspects. À terme, cette démarche conduit à réduire la fracture entre le système décisionnel et le système opérationnel.

Pour aller plus loin :

Le document PxPCD-13, “Les Procédés métrologiques” sur le site web du Praxeme Institute
L’extrait du méta-modèle de Praxeme, pour la facette “Valorisation” de l’aspect intentionnel (voir dans Publications)